Publié le 14/04/2023 • Par Mariette Kammerer • dans : Actu expert santé social, Bonnes pratiques santé social, Innovations et Territoires, Régions
Un neuropsychologue et un moniteur-éducateur réalisent un génogramme, outil pour comprendre ce qui se joue dans les relations interpersonnelles.
L’équipe mobile L’Escale vise à mieux prendre en charge les enfants en situation de handicap confiés à l’aide sociale à l’enfance, évitant ainsi les ruptures de parcours. Elle intervient en appui des professionnels d’établissement et des assistants familiaux sur des prises en charge complexes d’enfants handicapés. Cette équipe pluridisciplinaire propose des accompagnements de six mois renouvelables, grâce à un cofinancement département-agence régionale de santé.
- Organisation : 6 équivalents – temps plein et 3 cadres à temps partiel.
- Budget : pour 3 ans, 196 000 € du conseil départemental et 244 000 € de l’ARS.
- Contact: Emmanuelle Delhomme, DGA « solidarités », emmanuelle.delhomme@yonne.fr
[Yonne 334 200 hab.] L’équipe mobile L’Escale, portée par trois associations, réunit des professionnels de la protection de l’enfance et du handicap. Elle intervient en priorité auprès d’assistants familiaux en difficulté dans l’accueil d’enfants handicapés, en vue d’éviter les ruptures. « Ces prises en charge sont difficiles et les assistants familiaux ne peuvent pas passer le relais, contrairement aux professionnels d’internats collectifs », souligne Sylvia Marcaud, cadre au sein de la fondation La Vie au grand air – Priorité enfance.
Un autre décret du 29 décembre énonce les conditions dans lesquelles les personnes sont informées des suites données à une information préoccupante sur un mineur en danger ou risquant de l’être. Cela « a pour finalité la confirmation de la prise en considération des éléments transmis et la confortation de la mobilisation de cette personne autour de la situation ».
Cofinancée par le conseil départemental et l’agence régionale de santé (ARS), L’Escale est composée d’un neuropsychologue, d’une infirmière et de quatre éducateurs choisis pour leurs connaissances de différents handicaps. Les associations porteuses mettent à disposition trois personnels d’encadrement. « On nous appelle pour des situations de conflits, de crises à répétition, d’épuisement ou pour confirmer une suspicion de handicap chez un tout-petit, indique Cécile Thalen, cadre de l’association Epnak. Durant la première année, nous avons surtout accompagné des ruptures car nous étions saisis trop tard ; maintenant, on nous alerte plus en amont. »
Évaluation pluridisciplinaire :
L’Escale est aussi sollicitée pour accompagner l’entrée à l’école, obtenir un accompagnant d’élève en situation de handicap (AESH), finaliser un dossier MDPH (maison départementale des personnes handicapées). L’équipe intervient sur demande de l’éducateur référent et après validation d’une commission.
Chaque situation donne d’abord lieu à une évaluation pluridisciplinaire. L’infirmière fait le point sur les traitements en cours et établit le lien avec les acteurs du soin. Le neuropsychologue réalise des bilans – test de QI, d’attention… – pour confirmer une déficience, des troubles autistiques, de l’attention, et appuyer le dossier MDPH. Puis l’un des éducateurs suit la situation pendant six mois renouvelables.
Il apporte de la guidance au quotidien : « On intervient au domicile sur les moments difficiles, comme les devoirs ou la douche, pour accompagner les assistantes familiales, transmettre des outils, aider à désamorcer un conflit, rapporte Salima Nevot, éducatrice. Elles apprécient d’être écoutées, soutenues par un tiers et d’avoir un étayage technique. On peut aussi emmener l’enfant faire une activité à l’extérieur pour donner du répit à la famille », complète-t-elle.
L’équipe propose des formations sur chaque pathologie. « On explique d’abord que le comportement de l’enfant ne relève pas d’une provocation mais bien d’une difficulté intrinsèque, et qu’il ne peut pas faire autrement », indique Cécile Thalen. « Les professionnelles sont très demandeuses d’informations, je leur explique les répercussions du trouble et quels outils mettre en place : pictogrammes, consignes écrites, etc. » témoigne le neuropsychologue.
Parfois, c’est toute la prise en charge qu’il faut adapter, en trouvant des ressources complémentaires. « Pour une enfant, je suis en lien avec le collège pour apaiser les tensions, j’ai obtenu un temps supplémentaire d’AESH, interféré auprès du club de foot et trouvé un suivi psychologique », énumère Aloïs Stal, éducateur. « On a un rôle de médiateur entre l’assistant familial et les partenaires pour fluidifier la relation », illustre Cécile Thalen.
Les tout-petits aussi :
Lorsque la rupture du placement est inévitable, l’équipe recherche un autre lieu d’accueil et propose du répit à la famille pendant la transition, qui peut être longue. Dans les évolutions possibles du dispositif, l’équipe suggère que ce temps puisse être beaucoup plus important. Les maisons d’enfants à caractère social peuvent également solliciter L’Escale pour mieux comprendre le handicap parfois lourd de certains enfants. Sylvia Marcaud évoque un travail d’un an avec un enfant atteint de déficience : « Au début, il était incapable d’exprimer ses émotions autrement qu’en se roulant par terre. On a travaillé avec des émojis et aujourd’hui il peut dire s’il est content, ce qu’il aime manger, etc. »
L’équipe mobile est aussi appelée pour des tout-petits dont le diagnostic n’a pas encore été posé. « Ce sont des enfants qui ne parlent pas, avec lesquels on essaie d’instaurer des moyens de communication visuelle, on fait du repérage précoce, explique Sylvana Gentile, éducatrice spécialisée dans le handicap. Mais ils auraient besoin de soins pédopsychiatriques, quasi inexistants dans le département. » Si l’équipe mobile permet d’améliorer la prise en charge des enfants « grâce à la pluridisciplinarité et la mobilisation d’un large réseau de partenaires », ses membres se heurtent néanmoins au « cloisonnement » avec le secteur du soin et au manque de ressources dans ce domaine.
« C’est un projet exemplaire » Emmanuelle Delhomme, DGA « solidarités »
« L’étude menée par le département en 2018 sur les 2 500 mineurs de l’aide sociale à l’enfance montrait que 47 % d’entre eux avaient une notification “MDPH“ . Notre première réponse a été la création de cette équipe mobile d’appui aux acteurs de protection de l’enfance. Nous l’avons financée avec les fonds du plan “pauvreté” puis nous avons renouvelé le financement en nous appuyant sur la Stratégie nationale de protection de l’enfance en décembre 2022. La réaction des assistants familiaux est très positive, cette équipe les sécurise et renforce l’attractivité du métier.
C’est un projet exemplaire, qui améliore la qualité du service et décloisonne les secteurs du handicap et de la protection de l’enfance. Nous allons le pérenniser et l’intégrer en juin au schéma départemental de protection de l’enfance. »