© Agence France-Presse 2023 – Publié le 12 octobre 2023 à 8h00
Le Gouvernement s’est dit prêt mercredi 11 octobre 2023 à envisager une « renationalisation » de la protection de l’enfance, suscitant l’indignation de l’Assemblée des départements, compétents en la matière, qui a dénoncé une « insulte » à leur encontre.
« Face à la crise que traverse la protection de l’enfance, convaincue que les départements et l’État doivent coordonner leur action pour assurer la protection des enfants, je souhaite que nous redéfinissions ensemble le cadre de notre travail autour de priorités partagées », a déclaré la secrétaire d’État Charlotte Caubel dans une déclaration transmise à l’AFP.
« Toutes les options sont sur la table, y compris celle de la renationalisation, même si ce n’est pas ma logique première », a-t-elle ajouté, invitant les départements à « clarifier une position commune ».
Près de 370 000 enfants font l’objet d’une mesure de protection au titre de l’aide sociale à l’enfance (ASE), dont les services sont, depuis les grandes lois de décentralisation de 1982 et 1983, passés sous l’autorité et la responsabilité du président du conseil départemental.
Associations et professionnels de ce secteur tirent régulièrement la sonnette d’alarme, pointant un manque de moyens et d’effectifs, et estimant ne plus être en capacité d’assurer la prise en charge ni le suivi des mineurs en danger.
« Situation d’embolie »
Plusieurs départements évoquent quant à eux des structures d’accueil « saturées », du fait notamment de l’afflux de mineurs étrangers isolés sur leur territoire, et réclament un engagement renforcé de l’État.
Les propos de Charlotte Caubel, également faits dans les colonnes du Figaro et du Monde, « relèvent d’une méconnaissance totale de la réalité du terrain », a réagi le président (UDI) de l’Assemblée des départements de France (ADF) François Sauvadet dans un communiqué.
« Ils sont non seulement une insulte envers nos agents et salariés (…) mais ils constituent également une mise en cause des présidentes et présidents de départements qui assument, pénalement, cette responsabilité. »
« La ministre semble ou feint d’ignorer que la situation d’embolie » à laquelle « sont confrontés nos services est en très grande partie due aux carences de l’État lui-même », ajoute-t-il, pointant l’« incapacité de l’État à assumer ses missions régaliennes en matière de pédopsychiatrie, de protection judiciaire de la jeunesse ou d’accompagnement médico-social pour les enfants atteints de handicap ».
La question d’une renationalisation de l’ASE face aux inégalités et disparités territoriales constatées sur le terrain ressurgit régulièrement dans le débat public.
Auteur en janvier 2022 d’une proposition de loi sur la question, le sénateur Renaissance Xavier Lacovelli pointait à l’époque des « disparités multifactorielles », conséquences « de manque de moyens, de choix politiques et budgétaires délibérés ou de réalités sociales complexes ».
Pas de postures stériles
« La protection de l’enfance est en crise (…) Il n’est jamais trop tard pour améliorer la vie des enfants en danger », a réagi sur X (ex-Twitter) l’élu des Hauts-de-Seine mercredi après les déclarations de Charlotte Caubel.
« Enfin une bonne nouvelle », a de son côté estimé le militant des droits de l’enfant et ancien membre du Conseil national de la protection de l’enfance Lyes Louffok. « C’est la première fois qu’une membre du Gouvernement pose ce sujet sur la table. Cela fait dix ans que je le réclame, alors merci ».
Dans un rapport publié en 2019, la mission d’information parlementaire sur l’ASE avait jugé « pas irrationnel » de « dresser un véritable bilan » de la décentralisation de l’aide sociale à l’enfance, « sans s’interdire d’en interroger la pertinence et de renforcer l’implication de l’État dans cette politique. »
La mission recommandait notamment de créer une Agence nationale de protection de l’enfance, co-pilotée par l’État et les conseils départementaux, afin d’harmoniser des pratiques très disparates.
« La situation tendue dans le système de protection de l’enfance nécessite une réponse collective, impliquant une coopération étroite entre l’État et les Départements et non des postures stériles », estime l’Assemblée des départements de France dans son communiqué. « Le temps est venu d’aboutir, ensemble, à une vision et des stratégies partagées sur l’ASE ».
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